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levin

Vendredi 7 décembre 2012 à 13:13

          Je tente de livrer aussi, de manière confuse, mes 1ères impressions en bloc sur Funérailles d'hiver. Course effreinée grotesque et ridicule, oui et re-oui, grande violence des rapports humains derrière le ridicule. Rosensweig et son Lischtenstein c'est une référence semble-t-il au couple Rosenkranz et Guildenstern, les deux courtisans qui trahissent Hamlet et sont tués par lui. Eux aussi meurent, mais c'est eux qui sont trahis, par leur propre corps, et leur mort est ridicule, on sais comment elle s'accomplit !!!

 

         Les images : avec la mort de la mère je vois une image brutale de poulet égorgé façon vaudou avec giclement de sang et palpitations de plus en plus lentes de la bête (qui continue à courir sans tête tout d'abord). Puis images de poulets en batterie avec caractère morbide de l'empilement des bestioles les unes sur les autres, puis emballage froid et mécanique des poulets en usine. Images violentes puis froides, en référence aux "Huit cents poulets rôtis" fantasmés par Shratzia.  La pièce comporte une réflexion sur la nature de la mort et aussi de l'amour : la mort qu'on subit, la mort qu'on inflige pour nourrir les vivants (les 800 poulets sont très exagérés et font signe vers la démesure de l'homme quand il "arraisonne" la nature à son usage). La mort relevant à la fois de l'animalité et de la "mécanique", voir la manière dont le bonze bouddhiste est considéré. Là d'ailleurs le texte touche l'atrocité : comment se chauffer avec le corps de l'autre qui se consume (on pense aux cheveux-lampadaires des déportés, aux objets fabriqués avec leurs os etc). De manière dérisoire (juste retour des choses) celui qui tente cette atrocité en reste pour ses frais : le corps du bonze reste indestructible et imputrescible, lui qui ne se nourrit que de contemplation et de prière et s'oppose par sa maigreur aux gros popotins des bonnes femmes qui ont du mal à avancer. L'amour est présenté aussi comme quelque chose de mécanique, un fait purement biologique, « animal » dans le mauvais sens du terme, seulement destiné à une chose : perpétuer l'espèce. Tsitskéva est enfermée dans représentation mécaniste et impure du corps, le corps comme simple instrument reproducteur... et éventuellement défécateur (fixation sur le popo...tchenko !). Le nom de « Popotchenko » a une valeur comique, scatologique. Elle a enfanté d'un cul orné d'une bite. (voir p 108 : « Les femmes. Bof. Tu leur files un bon steack, tu arroses avec un peu de vin, et elles sont à toi par-devant, par-derrière, par en bas et par en haut »).  La violence de la pièce est de représenter crûment, comme ici, le lien entre la nourriture le sexe et la mort : la mort elle-même, dans le texte, est scatologique dans son principe et elle est liée à l'ingestion – et à la digestion - de la nourriture, puis à son expulsion sous forme de pet. D'une certaine façon, la vie, « ça » arrive par devant – par la bite – et « ça » ressort finalement par l'arrière – le trou du c... en passant par l'estomac. Notons que, dans la pièce, seule la mère, personnage vraiment tragique et consciente de l'être (la phrase la plus belle et la plus tragique de toute la pièce : « j'ai été ») est, de manière intéressante, épargnée par ce processus ridicule de mourir en...pétant. La pièce pourrait donc peut-être, à travers elle, incarner mélancoliquement la disparition d'une certaine forme de pureté – d'une « civilisation » ? -  possédant sa grandeur (d'autant que c'est la mère la dépositaire du sacré dans la religion juive), et sa substitution par une imposture représentée par des clowns grotesques mais surtout dangereux, prêts à tuer père et mère (ce qu'ils font) pour perpétuer leur espèce, clowns et... clones grotesques et parodiques d'une certaine vision nazie de l'Histoire, pour laquelle seule la perpétuation d'une seule espèce comptait (voir les insultes de la belle-mère dès qu'il s'agit de l' « autre » famille, et, encore une fois, l'histoire avec le bonze). 

Vendredi 7 décembre 2012 à 1:45

Premières impressions en vrac (j’en partage avec certaines choses que j’ai lues de vous, alors j’essaie de ne pas trop répéter) :

- réalité et réalisme étranges des personnages et des situations -> profondément humains, les comportements décrits ne me paraissent pas relever de l’improbable, l’histoire nous le prouve dirait ma grand-mère. Et puisque je la cite, je ne me prive pas de mentionner que quelques membres de ma famille, ou personnes de l’entourage juif polonais de mes grands-parents, présentent des similitudes indéniables avec les actions, relations et caractères décrits. Cela, pour moi, atteste de ce que la comédie et la farce, aussi burlesque et grinçante soient-elles, plongent bien leurs racines dans la réelle nature humaine.

- de la tendresse et des vrais beaux sentiments cachés, mais pas trop, au milieu de l’absurde des réactions des personnages

- plein de sons et de bruitages présents dans ma tête à la lecture (lattes de plancher qui grincent, courants d’air, mer et sable mouillé, vent, montagne, vent, pet, vent)

- tout autant d’odeurs (certaines sorties de mon enfance, ok, pour le côté cuisine juive, mais là aussi mer, pluie, vent et montagne, etc., qui ont des nuances odorantes si spécifiques). J’espère qu’on peut en rendre compte dans une scénographie, sans tomber dans l’exercice « odorama ».

- marionnettes, ombres chinoises, blanc et couleurs vives, contrastes, jeux de lumières intérieur/extérieur, aube blafarde sur la plage (beau et douloureux à la fois), gris du brouillard, mes souvenirs de couleurs, sons, odeurs, goûts d’Israël…

- envie d’explorer et de mêler les matières, les dispositifs, les « disciplines artistiques », les genres, …

 

Et c’est aussi tout pour cette nuit…

Nedjma

 

 

 


Vendredi 7 décembre 2012 à 0:56

* Des personnages grotesques malgré eux. Ils sont enfermés dans leur fuite alors qu'ils savent très bien que fuir n'aidera pas. Les refuges aussi improbables et calmes soient-ils ne changent rien au fait que la mort viendra les chercher. C'est juste trouver l'espoir de repousser l'échéance. La mort n'est pas dupe.

* D'un côté la réalité du deuil et la sensibilité de Latshek et d'un autre côté l'aspect matériel de la préparation du mariage.

* Latshek représente la mort. On y trouve alors une dualité de la mort : le côté sombre représenté par Latshek ( la nouvelle étant la mort étant représentée par Latshek) puis le côté grotesque de l'ange Samuelov.

* Shratzia frôle une légère hystérie, Camille l'avait bien fait apparaître lors de son jeu.

* Beaucoup de couleurs pour les costumes des personnages en fuite mais un teint terne, fade, triste. Ils sont joyeux en apparence.

* J'avais pensé à des marionnettes ... pourquoi ? Peut être pour les hommes... les femmes étant bien, très, trop entreprenantes.

* Bestialité, animalité, côté sauvage de l'égoïsme

* "Le trop de soucis fait rire" ou "Rire pour ne pas en pleurer". J'ai trouvé que la bassesse de la fuite des personnages était tellement improbable mais le thème quant à lui tellement possible que je me suis prise au jeu d'imaginer la situation dans la réalité et j'ai ri pathétiquement en espérant que cela n'existe pas mais en sachant dans le fond que...pourquoi pas ???

C'est tout pour le moment  :)

Adeline

Jeudi 6 décembre 2012 à 18:32

Pour ma part, je n'ai que rarement "d'images" à proprement parler à la première lecture d'une pièce. Ce n'est pas particulier au Levin, cela est valable pour toutes mes lectures dramatiques.
Mais je peux tout de même me laisser tenter à parler d'impressions générales.
J'ai d'abord été prise par le rythme endiablé, présent à travers le texte, mais aussi les situations (LA situation). Je suppose à première vue que ce texte ne supporte que des silences chronométré.
On peut parler aussi, pour poursuivre dans ce sens, de partition, de "choral", au sens presque de Bach, avec Prélude (scène 1) et Fugue (le reste, la suite), avec tout de même quelques Arias ou Choral (à déterminer).
On peut pousser la métaphore jusqu'à la chorégraphie des déplacements, les réactions immédiates que provoquent chez certains personnages certains sons.
Différents niveaux de proférations, chuchotements et cris.
Enfin, univers fantasmé, absurde, du plus loin, plus haut, qu'atteignent les personnages juste en le voulant. La force de la peur (car les personnages ont peur).
La vulgarité de certains personnages.
Un espace malléable, souple, qui doit se transformer dans le même rythme que le jeu.
L'urgence.
L'ange de la mort, le décalage du pet pour mourir.
L'amour des jeunes traité avec "idiotie" ou peut-être parce qu'ils sont tous deux plus intelligents, plus au-dessus de tout ça.
La quête de Bobitshek, personnage le plus humain, selon moi.
Costumes sobre, utilitaires, sans clowneries, ou au contraire difformes?
Voilà tout ce qui m'est passé par la tête, des contradictions, tant mieux, le champ est ouvert!

Mercredi 5 décembre 2012 à 21:31

Ma première "vision" autour de cette pièce pourrait sans doute évoquer cette réclame :
dans le sens ou je voyais des ombres humaine de part et d'autre du plateau tirer sur des fils suspendus à des poutres très en hauteur. A l'autre bout de ces fils étaient accrochés de petits diables et de petits anges de papier, style origamie. Quand les ombres humaines qui avaient des anges aux bout de leur fil le tiraient, alors, grâce à ce système de coulissage, les anges remontaient et on ne voyait que les diables au centre de l'espace, les anges étaient en haut. Et inversement, quand les ombres qui avaient des diables le tiraient, on ne voyait que les anges. Ombre d'anges et ombres de diables tiraient leur fil chacune à tour de rôle, ça faisait un rythme comme celui d'une respiration, et cela évoquait  un univers cabotin et moyen-âgeux.
Les ombres humaines ne tiraient pas sur le fil a proprement parlé mais sur un bâton accroché au fil, comme une canne à pêche.
Elles ne peuvent rien faire d'autre que ça, ce ne sont pas des personnages de la pièce mais des éléments de décor qui sont là du début à la fin et ne font que ça car leur place est simplement d'effectuer ce rituel qui n'a ni début ni fin. Ces petits anges et petits démons de papier existent mais presque personne ne peut jamais les voir.


Ma seconde impression est celle d'une course endiablée contre le temps, une course vaine puisque " peau d'ange, peau de malin, on prend tous le même train"


Je n'ai pas d'image pour cela mais je pense aussi à l'histoire d'une inititiation.
Initiation à la dureté de la vie.
Finalement c'est peut être ça pour moi le sens de la course du Bobitsek.

Courir après quelque chose pour ne plus le vouloir.
Comprendre le sens de la parole, prendre l'autre, mais finalement ne pas avoir le choix.
La parole crée le destin.

Quand à l'ange Samuel, je le voyais avoir la "street attitude", écouter du rap et avoir le gout de l'art urbain ( break dance, graphiti ).
Il travaillerait pour un Dieu bling-bling, gros keubla couvert de diamant surtestostéroné style Booba.



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